Le sacrifice du commissaire De Gucht

 C’est une blague belge qui demande l’asile à Bruxelles et devient européenne. Et c’est le président de la Commission européenne en personne, José Manuel Barroso, qui la raconte le plus sérieusement du monde dans un communiqué officiel envoyé à la presse le 2 avril dernier. Le communiqué énumère les commissaires européens, au nombre de sept, qui ont décidé de se porter candidats aux élections au Parlement européen du 25 mai 2014 et qui suspendent donc leurs activités à la Commission et se mettent en congé sans solde le temps de la campagne électorale. 

Et pourtant, il y en a un qui est bien candidat, mais qui continuera allégrement son travail et qui recevra sa rémunération de commissaire tout au long de la campagne. José Manuel Barroso l’approuve. Pourquoi ? Parce que le commissaire belge Karel De Gucht, chargé du commerce, « s’est engagé à ne pas participer activement à la campagne »
 
Il doit être très sûr de son charme, le commissaire De Gucht. Il n’entend rien faire pour être élu, mais il compte être élu quand même. Mieux, selon le site rtbf.be, c’est lui qui « pousse la liste Open Vld pour les élections européennes ». Il ne fait donc rien, mais de façon altruiste, pour les autres. Et il pousse très loin non seulement la liste Open Vld, mais également son altruisme, ce qui est joliment et en détail décrit dans le communiqué de José Manuel Barroso : « Mr De Gucht a aussi publiquement déclaré qu'il ne prendrait pas son siège au Parlement européen au cas où il serait élu ».
Résumé de la situation : Karel De Gucht ne veut en aucun cas devenir membre du Parlement européen, et il le clame haut et fort. La participation aux travaux parlementaires ne l’intéresse nullement, et il ne le cache pas. Le site rtbf.be explique qu’il « voudrait bien continuer à être commissaire ». Mais il ne s’agit pas de quelqu’un qui aime les solutions de facilité. Il choisit donc un chemin parsemé d’embûches. Tout en étant déjà commissaire et souhaitant le rester, il se sacrifie et présente sa candidature au Parlement européen. Ensuite, il fait tout pour réduire ses chances de gagner les élections en s’abstenant de participer à la campagne, et il prévient que même si les électeurs s’obstinent à l’élire quand même, il ne siègera pas au PE, et ceci afin de « continuer à être commissaire ». Une logique de fer, grâce à laquelle Karel De Gucht va certainement arriver à transformer son rêve en réalité et continuer tranquillement à être commissaire.
Ceci dit, ses électeurs ont peut-être d’autres rêves. Par exemple, qu’on ne les prenne pas pour des… ah non, non, non, je ne vais pas le dire, il ne faut pas être trop insolent.
Le cas du commissaire De Gucht n’est pas intéressant en soi. Il l’est dans la mesure où il révèle (ou plutôt confirme) la vision stéréotypée que les hommes politiques semblent souvent avoir de leurs électeurs : une masse inconsciente, manipulable et détestable, qui existe uniquement pour se transformer périodiquement en courbes, indices et pourcentages. Une masse qui achètera tout sans regarder la marchandise et qui prendra les plus grosses insultes et le plus profond mépris pour des compliments. Karel De Gucht se comporte comme s’il se fichait royalement de ses électeurs et comme s’il les traitait comme des figurants sans importance.
Il dit au site rtbf.be : « Il y aura, lors de ces élections européennes, beaucoup de votes contre l’Europe ». Dommage que le commissaire ne s’interroge pas sur toutes les raisons de tels votes. Dommage qu’il ne se rend visiblement pas très bien compte du rôle destructeur des hommes politiques qui pensent que « plus c’est gros, et mieux ça passe ». Dommage qu’il ne se pose pas de questions sur sa propre contribution à ce phénomène.
« Moi je crois qu’il faut plus d’Europe », affirme Karel De Gucht. Et peut-être un peu plus de démocratie et de respect des électeurs, non ? 
 
Photos: euractiv.com, econews.com.au, radiookapi.net, duvall.be, thechronicleherald.ca 

1 Comments

Non seulement il ne se contente pas de passer sans cesse à la télé officielle belge nééerlandophone (et francophone si on lui en donnerait l'occasion). Il ne se passe guère de jours sans commentaires ou plutôt sans attaques voire insultes d'adversaires politiques de la part de ce commissaier, qui ne doit pas avoir beaucoup de travail. En plus les derniers jours il est accusé d'influencer les décisions du chef de la section fraude fiscale du fisc. Clairement entre amis, ce haut fonctionaire lui a donné un document pour échapper à un proces: http://www.lecho.be/actualite/economie_politique_belgique/Karel_De_Gucht_invoque_le_droit_a_la_defense.9487049-3154.art
Il y a beaucoup plus dans la contrepart NL-B de ce journal de bourse FR-B. Il y a une 4ième letter après que de Gucht ait avoué 3 letters seulement et sans suite à la télé.

Ce n'est qu'une des casseroles qu'il traîne depuis le temps d'avoir été ministre. Il étatit accusé d'être derrière une société dans un paradis fiscal et qui continue aujourd'hui à pomper du fric de l'état belge. Il semble être au-dessu de toutes les règles.