Les gays, les parades et l'espace public

Lors de mes vacances en Pologne, j'ai pu suivre plusieurs débats dans les médias sur une première Euro-Pride à Varsovie. Une grande manifestation internationale de la communauté gay, lesbienne, bi- et transsexuelle (GLBT) dans un pays souvent taxé de très conservateur, voire ultra-catholique.

 
Bien sûr, les adversaires d'Euro-Pride ont sorti tous les clichés "anti-homos" classiques pour mobiliser l'opinion publique contre la rencontre. Les organisateurs seraient donc coupables de vouloir promouvoir des liaisons n'ayant aucune chance d'assurer la naissance des enfants, ce qui menacerait l'avenir démographique de la Pologne. Les homosexuels eux-mêmes seraient des êtres malades, coupables en plus d'un lourd pêché, n'ayant donc aucun droit de réclamer publiquement quelque droit spécifique que ce soit. Et ainsi de suite, sans la moindre trace de réflexion sérieuse sur le sujet...
 
Toutefois, comme dans beaucoup d'autres pays, les partisans d'Euro-Pride et d'autres parades de la communauté GLBT se sont montrés au moins aussi disposés à proliférer des stéréotypes totalement irrationnels et dépourvus de fondement que leurs adversaires. On se retrouve donc face à une véritable guerre des clichés.
 
En tête des amalgames "pro-gay-pride", les tentatives de mettre ces rencontres sur le même plan que les manifestations des minorités nationales, ethniques et religieuses en lutte pour la défense de leurs droits. Pourtant, pour combattre l'antisémitisme, les Juifs ne traversent pas les villes européennes en chars décorés d'énormes papillottes aux couleurs fluo et occupés par de jeunes gens exposant des maquettes des pénis circoncis, tout cela au rythme de la musique traditionnelle juive assourdissante. Les Noirs, eux, ne sont manifestement pas convaincus que le racisme et les discriminations à leur égard pourraient disparaître suite aux marches dont les participants arboreraient des bandeaux en peaux de bananes et feraient entendre leurs tamtams et sifflets par de gigantesques haut-parleurs. Les Indiens américains n'essayent pas de séduire l'opinion publique et d'attirer son attention sur leurs droits en envahissant le centre de New York sur leurs mustangs, en poussant des cris de guerre et en envoyant leurs flêches contre les pigeons. Et caetera, et caetera...
 
Il semble donc légitime de se poser la question de savoir si les moyens d'expression employés par les minorités sexuelles, caricaturaux et exagérément tapageurs, perçus par beaucoup de gens comme provocateurs, ont pour unique objectif la défense de leurs incontestables droits. Cela ressemble plutôt à une volonté d'occuper plus de place dans l'espace public que d'autres minorités, qui n'ont pas recours à ce genre de moyens. Paradoxalement, cela pourrait mener à l'avénement d'un nouveau cliché, selon lequel la communauté GLTB aurait plus de droits à l'exposition publique que les autres minorités qui se sentent discriminées.
 
Photos: picasaweb.google.com (2), trans-fuzja.pl