La triste Grèce

 

Trois semaines après mon retour de reportage en Grèce, je ne peux toujours pas me débarrasser du sentiment d’un énorme contraste entre ce que l’on dit actuellement de ce pays à l’extérieur de ses frontières, et ce qui s’y passe réellement. Car on parle beaucoup de grandes institutions qui volent au secours de la Grèce, ou de grandes manifestations qui la secouent. On oublie presque les Grecs eux-mêmes, leurs familles, leur vie quotidienne, le délicat tissu social grec. Or tout ce monde à « micro-échelle » se voit profondément bouleversé, secoué, presque anéanti par l’ampleur de la crise.

 

 

Quelle en seront les conséquences ? Une explosion ? Une révolution ? Une dépression ou une résignation à l’échelle nationale ? Une grande vague d’émigration ? Qui sait ?
Le fief du mouvement des « Indignés » grecs est la place Syntagma à Athènes, face au parlement. C’est un campement et un rassemblement très hétéroclite. Contrairement aux images répandues par les télévisions qui s’y intéressent juste quand il y a une grande manifestation et les heurts avec la police, cela ne ressemble pas trop à un noyau d’une révolution, et encore moins à son état-major. Je dirais qu’il se situe quelque part entre une commune hippie, un soviet des bolcheviks, une cellule des opposants démocratiques de Solidarnosc de la toute première période du syndicat, une troupe de joyeux musiciens et acteurs de la scène « off », un petit détachement de nationalistes fascisants et un groupe d'anarchistes. Quelque chose d'inédit, d'un peu fou et en même temps très (auto)organisé, autogéré avec beaucoup d’efficacité.
Et surtout quelque chose de très remonté contre toute la classe politique en tant que telle. Leur message politique à l’adresse de tout parti impliqué dans le système parlementaire actuel se résume en un seul mot : « Dégagez ! ». Ils pensent pouvoir instaurer un autre système, plus juste et plus efficace. Ils s’exercent tous les jours en « démocratie directe », dont la place Syntagma est devenue un véritable laboratoire. Il y a peut-être beaucoup de naïveté dans tout cela, mais c’est une naïveté du désespoir.
Toutefois, la Grèce est loin de se limiter à la place Syntagma. Ce qui ne veut pas dire que, quand on s’en éloigne, on sent moins de désespoir. Mais peut-être moins de naïveté. On y trouve beaucoup d’inquiétude, beaucoup de désespoir et beaucoup de colère, surtout contre les Allemands, qui sont devenus des véritables bêtes noires des Grecs. La Grèce était parmi les pays qui ont le plus souffert, dans le sens matériel et humain, des mains des Allemands pendant la Seconde guerre mondiale. On sort maintenant tout cela. On peut souvent rencontrer des Grecs qui vous disent : « Les Allemands nous donnent des leçons d’économie et de pragmatisme, mais si seulement ils nous payaient les réparations pour ce qu’ils nous ont fait pendant la guerre, nous pourrions rembourser toutes nos dettes ». Cette nette montée des attitudes farouchement anti-allemandes m’a beaucoup marquée. On voit, là, à quel point l’Europe est fragile ; à quel point il est toujours facile de dresser une nation européenne contre une autre si les circonstances s’y prêtent.
Ce qui m'a aussi très marqué, c'est que j’ai senti clairement une lame de fond des préparatifs à l’émigration. Pratiquement tous mes interlocuteurs en parlaient. Ironie du sort pour une population qui, il n'y a pas longtemps, avait du peine à accepter une vague d'immigration proche-orientale, africaine et maghrébine, passant par la Turquie...
En même temps, il ne faut pas trop se fier aux apparences créés par l’image des protestataires de la place Syntagma. Il y a aussi beaucoup de Grecs qui serrent les dents et qui se serrent les coudes. Ils savent que des temps très durs arrivent, ils en ont peur, mais ils essaient de garder l’espoir et de se débrouiller. Il est toutefois clair que ce sera très, très difficile et que cela comportera un très grand risque d’une véritable désintégration du tissu social en Grèce.
Les Grecs sont des gens formidables, très ouverts et chaleureux. Et, contrairement à ce que l’on dit souvent d’eux, assez débrouillards. Dommage qu’ils risquent de devenir de plus en plus tristes, voire désespérés.
 
Photos (5): Piotr MOSZYNSKI
 
Reportage audio: http://www.rfi.fr/emission/20110629-grece-vie-temps-austerite

 

1 Comments

Bonjour,

Je vis en CRETE depuis des années...

Cette année, j'ai vu la GRECE s'effondrer, tout comme l'avait annoncé Platon dans ce fabuleux mythe qu'ik a créé à patir de ce qu'il avait appris de l'histoire réelle de la plaine de Messara , en Crète, pour avertir les athéniens de ce qui allait leur arriiver...

http://atlantidecretoise.unblog.fr/

http://jacbayle.perso.neuf.fr/livres/Utopie/Platon.html

Oui, l'Histoire est un étrenel recommensement... mais allez-vous entendre et surtout COMPRENDRE ce que vous a dit Platon, il y a 2400 ans... ou Aristote à la même époque http://fr.wikipedia.org/wiki/Chr%C3%A9matistique ????

Regardez, réfléchissez.... inspirez-vous du passé...

Sur Google, tapez "Michel FOURNIER Crète" et vous en saurez plus ...

Michel FOURNIER