Les JO filtrés

 Ca y est ! Oyez ! Oyez ! Le cirque « Couverture médiatique des Jeux Olympiques » est de nouveau en tournée mondiale ! Prenez place et regardez ! Il y a vraiment des numéros époustouflants à voir ! 

Pendant les trois premiers jours des Jeux Olympiques de Sotchi, les journaux télévisés de chaînes françaises faisaient vivre à leurs spectateurs une tension insupportable. Premier jour : les Français n’ont aucune médaille, mais ça va venir incessamment sous peu. Deuxième jour et premiers doutes : toujours aucune médaille pour les Français, qu’est-ce qui se passe ?! Troisième jour, entre le drame national et la délivrance : mais non, ce n’est pas possible, trois jours et la France sans médaille, ce n’est encore jamais arrivé, qu’est-ce qu’ils font là-bas… mais non, mais oui, OUI, OUIIIIII, il y a quand même une médaille d’or pour un Français !
Cet événement d’importance planétaire dominait le chapitre « Sotchi » dans tous les JT encore le lendemain. Les Jeux ont enfin pris des couleurs, ils ont enfin trouvé un sens profond et une finalité compréhensible. Car on a enfin bien compris que le seul objectif et le seul intérêt des Jeux Olympiques qui comptaient, c’était de distribuer autant de médailles que possible aux Français.
 
Je zappe malencontreusement sur la télé polonaise, et là… quelle surprise ! Qu’est-ce que je dis, un choc ! Au JT, pas un seul mot de la médaille française ! Comme si elle n’existait pas. D’ailleurs, pendant les premiers jours, strictement personne ne se lamentait de l’absence d’une médaille pour les Français. Quel pays bizarre. Une atmosphère lourde, proche d’un deuil national, émanait des écrans quand il a fallu reconnaître dans l’après-midi du deuxième jour que la Pologne n’avait encore gagné aucune médaille à Sotchi. Mais alors le soir ! Ah, le soir !! Oui, oui, un Polonais a raflé une médaille d’or déjà au soir du deuxième jour des JO ! Et ceci, dans l’une des disciplines reines, le saut à ski ! Certes, pas un mot de Kamil Stoch dans les JT français, mais leurs homologues polonais ne parlaient que de lui encore tout le lendemain. Grâce à leur talent et à leur travail acharné, les Polonais ont enfin bien compris que le seul objectif et le seul intérêt des Jeux Olympiques qui comptaient, c’était de distribuer autant de médailles que possible aux Polonais.
 
Disposant d’une télécommande mondialisée, je zappe, pour me détendre, sur la télé russe. Les hôtes de l’Olympiade d’hiver ont certainement un regard moins étroit sur le sport, plus proche de l’esprit Coubertin, me dis-je.
Eh bien, non. Ils sont exactement comme tout le monde, et peut-être même encore un brin plus drôles. Car, faute de médailles, ils montrent Vladimir Poutine. Et, tout comme les Français, les Russes, privés de vrais succès pendant les premiers jours des JO et figurant un certain temps à la 11ème place de la classification générale (horreur ! les Américains étaient alors à la 3ème position !), alimentent leurs émissions avec des films documentaires rappelant les exploits de leurs sportifs d’il y a 20-30 ans. Mais, finalement, ils peuvent passer aux images d’actualité grâce à une médaille d’or en patinage artistique par équipe. C’est ainsi que les Russes ont pu bien comprendre, s’ils en avaient encore des doutes, que le seul objectif et le seul intérêt des Jeux Olympiques qui comptaient, c’était de distribuer autant de médailles que possible aux Russes.
 
Où est le sport dans tout ça ? Où est sa beauté ? Où est l’admiration pour les meilleurs, pour l’effort, pour le travail, pour l’acharnement à dépasser soi-même et ses limites, à surmonter tous les obstacles sous toutes les latitudes, indépendamment de sa nationalité ? Oups, j’arrête, je suis allé trop loin, je vois déjà arriver la plus grosse insulte de notre temps : mais quel idéaliste, ce Moszynski !
 
Et pendant ce temps, l’Europe s’étonne de voir une montée de nationalismes en son sein. Et pendant ce temps, on s’étonne en France de voir le Front National monter au niveau de 34% d’intentions de vote aux élections européennes. Et pendant ce temps, on s’offusque de voir la législation russe qualifier plusieurs ONG d’« agents de l’étranger », et la grande majorité de la population l’approuver sans broncher. Et pendant ce temps, on s’étonne en Pologne de voir le parti ultranationaliste Droit et Justice grimper à la première place dans les sondages.
 
Y a-t-il vraiment de quoi s’étonner ? 
 
 
Photos: actusports.fr, rfi.fr, polishmission.com, m.7sur7.be
 

1 Comments

Mr.Piotr,

Je suis ravie de revoir tes billets de retour!

Merci beaucoup!